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Avez-vous déjà fait des rêves si vivaces et si pénétrants qu'ils en semblent réels?
Que durant les longues minutes où votre esprit découvre qu'il s'est éveillé, tout ce dont il était convaincu jusqu'au présent devait lentement céder sa place au quotidien de la réalité, dans une valse lente et si terriblement maladroite qu'elle agite sans parvenir jamais à chasser totalement la confusion? Tout le monde a déjà vécu de telles expériences. Mais celles-ci ne sont jamais plus éprouvantes et déstabilisantes qu'après un bon vieux, gros cauchemar comme celui que Harry Mason venait de faire.
La banquette sur laquelle Harry se réveilla était en ce qui lui semblait constituer une imitation cuir élimée. Il avait sacrément mal à la tête, et il lui était difficile de faire la part des choses entre ce qui faisait partie de son passé récent et tangible, et cet horrible rêve qui l'obsédait encore. Pour l'instant, il se retrouvait simplement, couché sur cette banquette, dans le salon d'un bar. Il faisait jour. La salle était déserte.
Harry prit une position assise, plus appropriée pour l'endroit, et tenta une méthodique classification des informations qui s'entrechoquaient dans son crâne. Il ressentait les quelques hématomes et contusions qui se trouvaient aux endroits ou ses vêtements étaient déchirés. Ce devait être une conséquence de l'accident qu'il venait d'avoir. En revanche, ses blessures étaient bien trop superficielles pour témoigner de son agression par trois apprentis bouchers, humanoïdes écorchés vifs tout droit sortis d'un film d'horreur. Cette scène faisait donc partie du rêve. A vrai dire, comment expliquer autrement cette vision innaturelle?
Des pas légers mais secs (des bottes?) se mirent à claquer le parquet. Une silhouette apparut dans l'embrasure du couloir qui menait aux cuisines. C'était une femme, et Harry reconnu dans ses traits et sa tenue l'agent de police qui l'avait dépassé sur la route avant l'accident. Ses cheveux blonds et courts, sans le casque pour les contenir, adoucissaient un visage affable et dur à la fois. Singulier. Ce devait être l'attitude qu'il fallait tenir pour officier dans cette région lorsqu'on était une femme. Elle tenait une tasse de café.
-"Comment vous sentez vous?" Sa voix, son sourire était réconfortants.
-"On
dirait que je viens de me faire renverser par un camion", répondit Harry en se grattant le crâne.
Un nombre incalculable de questions se bousculaient dans sa tête, mais aucune
dans sa bouche. Il était encore assez sonné, et son intuition lui conseillait
de ne pas parler de trop de choses a la fois. Il ne tenait pas effrayer son
interlocutrice.
- "Je pense que ça va aller".
La jeune femme fit alors un pas ample vers Harry.
- "Vous êtes du coin? Pourquoi ne me dites vous pas ce qui s'est passé ici?". Le ton était devenu d'un coup nettement moins amical. Harry pensa avoir mal engagé la conversation.
- "Attendez, doucement!" se défendit-t'il. "Je ne suis qu'un touriste. Je m'appelle Harry, Harry Mason. Je suis arrivé hier soir, nous sommes venus pour nos vacances avec ma fille. Nous étions sur le point d'arriver lorsque j'ai eu un accident. Il y avait quelqu'un cette fille sur la route… J'ai voulu l'éviter et…". Revivant douloureusement toute cette chronologie, Harry hésitait. Que s'était-il vraiment passé après? Se reprenant, Harry enchaîna sur ce qui devait rester sa seule préoccupation.
- "Ma fille a disparu quand je me suis réveillé" demanda-t'il autant qu'il affirma. "Je pense qu'elle n'est pas blessée, mais elle s'est enfuie pendant mon inconscience. Est-ce que vous l'auriez vu? Sept ans le mois dernier, yeux noirs, cheveux noirs, coupés court?" Harry réprima un sanglot de nervosité.
- "Désolée, la seule personne que j'ai vu ici, c'est vous". La ton de la réponse ne semblait pas concerné. Mais Harry pressentait qu'il lui faudrait se concentrer sur toute information utile qu'elle pourrait lui fournir.
- "Vous n'avez vu aucun habitant?" interrogea Harry. Je suis certains que des gens ont déjà dû retrouver ma fille à l'heure qu'il est.
Cette fois, l'expression de la jeune femme reflétait un malaise dont Harry n'avait pas encore pris la mesure.
- "Ecoutez-moi" dit-elle calmement. J'ai inspecté toutes les rues du centre. Je n'y ai pas vu un chat. On dirait que tout le monde a disparu en laissant tout derrière eux. Si j'avais la moindre idée de la raison pour laquelle les gens d'ici sont partis sans demander leur reste, je vous le dirais, croyez moi. J'en attends autant de vous.
Elle s'assit, laissant son interlocuteur interloqué, avant de continuer.
- Je suis de Brahms, la ville la plus proche de Silent Hill. Et je m'appelle Cybil Bennet, au fait. On a constaté une coupure généralisée du téléphone dans la nuit, et comme j'étais de garde, je me suis dit que je devrais venir jeter un coup d'œil, parce qu'on n'arrivait pas à avoir non plus le contact radio avec les locaux. Je suis arrivé ici, et j'ai constaté que la ville entière était devenue… comment dire… comme une ville fantôme.
Harry énonça mentalement qu'il devait nécessairement rester quelque part des gens, une famille, les uns affairés dans la cuisine, les autres tranquillement assis sur le canapé de leur salon, à s'occuper du courrier. Si cette femme n'avait pas vu de cadavre, on pouvait exclure le scénario déjà improbable d'une catastrophe sanitaire décimant toute la population d'une bourgade isolée. Harry cherchait à comprendre pour quelle raison une ville comme Silent Hill avait pu être abandonnée. Et depuis diable quand? se demanda-t'il en se rapprochant du juke-box. Peut-être qu'une cérémonie très populaire les a éloigné pour quelques petites heures. Une de ces manifestations historiques, ou religieuses... Il fut rapidement interrompu dans ses pensées.
"Si vous avez envie de musique, il vous faudra trouver autre chose". Circonspect, Harry avait sans s'en rendre compte fixé ses yeux sur le juke-box. Elle continua.
- "Le courant aussi est coupé. Courant, radio, téléphone, je me demande ce qui fonctionne encore normalement dans ce putain de bled". Elle s'énervait. "Quelque chose de vraiment bizarre est arrivé ici".
Ils méditèrent cette proposition un instant inquantifiable que brisa la voix de Cybil.
- "J'ai beau me creuser les méninges, mais je ne vois pas du tout ce que je peux ou ce que je dois faire. Ce n'est pas tous les jours qu'on est confronté à ce genre de situation, croyez-moi. Le mieux que je puisse faire est d'aller chercher des renforts."
L'instant inquantifiable repris sa mélodie, jusqu'à son point d'orgue, qui vit l'officier de police se lever et se diriger vers la porte de sortie.
- "Je dois aller chercher des renforts" se rasserena-t'elle. Dès qu'elle l'eu dépassé, Harry se leva lui aussi.
- "Attendez", lança Cybill pour l'interrompre. Debout, il était déjà sur les talons de l'officier. "Ou pensez-vous aller comme ça?"
- "Vous avez peut-être oublié un détail, que moi, je ne risque pas de laisser en plan. Ma fille. Il faut que je la retrouve."
- "Je ne saurais que trop vous déconseiller de sortir. Je pense que ça peut-être dangereux pour vous dehors."
- "Dans ce cas, je dois la trouver au plus vite" fulmina Harry. "Vous imaginez un seul instant que je puisse laisser ma fille de sept ans dehors, se débrouiller toute seule?" Harry ne tenta pas d'identifier, bien que l'idée l'effleura, le danger auquel Cybill faisait référence.
Elle le dévisagea, puis soupira bruyamment, comme pour arbitrer une joute dans laquelle il aurait marqué un point important.
- "Vous avez une arme?" lacha-t'elle finalement.
-
"Euh... non" bredouilla Harry, décontenancé. Bien sur que non.
Prenant
une inspiration profonde comme l'espace d'une décision difficile, Cybill porta
sa main à sa poche de ceinturon, à l'endroit ou son arme de service se
balançait dans son étui. Elle détacha lentement la languette de cuir, puis
retira l'arme, qu'elle tendit, d'un geste hésitant, à Harry.
- "Prenez-ça." Harry allait repousser son geste. "Ne vous inquiétez pas pour moi, j'ai ma botte secrète."
Reconsidérant l'offre, Harry prit l'arme. Elle était plus massive qu'il ne l'aurait cru. C'était la première fois qu'il touchait une arme à feu. Il aurait été fabuleusement incapable d'en identifier le modèle. Cybill lui prit la main et détournant le canon, la serra sur le revolver. Puis elle lui indiqua le mouvement de
- « La sécurité. En haut, vous pouvez tirer, en bas, elle sera bloquée. Pour le reste, vous vous débrouillerez. Mais franchement, priez pour que vous n'ayez pas à vous en servir. »
Harry remonta et redescendit le loquet d'un mouvement qu'il voulut rendre machinal.
- "Merci", prononça-t'il sans réaliser la responsabilité qui venait de lui être confiée. Harry ne pouvait imaginer faire usage du revolver, mais il l'acceptait volontiers si ça réconfortait quelqu'un ayant autorité à l'empêcher d'aller chercher sa fille.
- "Maintenant, écoutez-moi", reprit Cybill. Ceci est mon arme de service, alors, la moindre de vos conneries me retombera fatalement dessus. Vous vous doutez bien que je n'ai pas le droit de la confier à qui que ce soit mais nous avons tous les deux compris que la situation dans laquelle nous nous trouvons ici et maintenant n'est pas commune. Et puis surtout, je vous fais confiance
Elle disait vrai, Harry le lisait sur son visage.
alors ne me décevez pas.
- "Réfléchissez à trois fois avant d'appuyer sur la détente. Soyez sur de ce que vous visez. Et ne le faites que si vous y êtes obligés. Compris?"
- "Compris." Harry parlait comme s'il lui avait été confié un objet fragile et parfaitement innofensif. Cybill se décida à abréger la conversation. Elle ouvrit la porte.
- "Vous feriez mieux de rester dans les environs. Je reviens avec de l'aide dès que je peux". Elle passa l'ornière et se retourna une dernière fois vers Harry.
- "Oh, et j'allais oublier. S'il vous plait. Evitez de me tirer dessus."
Thème inspiré par Bryan Bell.