Point d'entrée
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\\ Lignes de vie
Le sous-titre : Paris déraille
Les deux histoires qui suivent sont presques entièrement vraies, j'en fus tour à tour témoin et acteur, à ceci près que les noms des stations ont été changés (ce qui dans la première histoire, change tout).
La voix électrique annonce :
"Colombes".
Et nous arrivons en gare de Colombes.
Il demande publiquement : "ce train va à Argenteuil?". On a beau avoir notre petite musique, on l'entend tous, et nous répondons tous en coeur : Non, c'est le train en face, et on lui montre la porte encore ouverte. Qui se ferme.
La voix électrique annonce :
"Prochaine station : Genevilliers".
***
La voix électrique annonce :
"Prochaine station : "Colombes".
Sur les petites banquettes, on est entassés, on a chacun nos écouteurs stéréo sur nos oreilles. J'admire la technique du gars à coté de moi qui a abordé la jolie blonde, un commentaire sur son casque de vélo qui dépassait de son sac, et la voilà à en faire l'inventaire dans l'espoir d'entretenir la conversation. Et puis le mec en sang. Au quai, deux minutes auparavant, il m'avait demandé : "ce train va à Argenteuil?". Je lui avais répondu non, il faut prendre le RER en face, et j'avais insisté, faisant barrage avec mon corps pour bien lui faire comprendre que ce n'était pas le bon train, et il était monté tout de même, et son nez était déchiré, ensanglanté.
"Prochaine station : "Colombes".
Sur les petites banquettes, on est entassés, on a chacun nos écouteurs stéréo sur nos oreilles. J'admire la technique du gars à coté de moi qui a abordé la jolie blonde, un commentaire sur son casque de vélo qui dépassait de son sac, et la voilà à en faire l'inventaire dans l'espoir d'entretenir la conversation. Et puis le mec en sang. Au quai, deux minutes auparavant, il m'avait demandé : "ce train va à Argenteuil?". Je lui avais répondu non, il faut prendre le RER en face, et j'avais insisté, faisant barrage avec mon corps pour bien lui faire comprendre que ce n'était pas le bon train, et il était monté tout de même, et son nez était déchiré, ensanglanté.
La voix électrique annonce :
"Colombes".
Et nous arrivons en gare de Colombes.
Il demande publiquement : "ce train va à Argenteuil?". On a beau avoir notre petite musique, on l'entend tous, et nous répondons tous en coeur : Non, c'est le train en face, et on lui montre la porte encore ouverte. Qui se ferme.
La voix électrique annonce :
"Prochaine station : Genevilliers".
L'homme au nez rouge sang commence à parler. Il vient de se faire bastonner. Personnellement, je veux bien le croire, mais je veux pas regarder en profondeur la blessure. Il vient de se faire bastonner, et c'était terrible, il s'est retrouvé à terre, coups de pieds, coup de poings.
On se regarde mutuellement, goguenards, on partage une drôle d'expérience, comme si c'était quelque chose de surprenant et d'inhabituel pour tout le monde.
Coups de points, coup de pieds, mais au moins il a pu aussi frapper. Il leur a défoncé la gueule autant qu'il a pu, heureusement qu'il avait un beretta. Il va nous montrer, il le dit, d'ailleurs, il s'énerve, il va nous montrer comment on défonce quelqu'un, et sa main se dirige, lentement, mais très surement, vers sa poche de pantalon, chercher le beretta dont il fait mention, juste en face de moi.
C'est là qu'un des usagers se souvient de ce qu'il vient d'entendre. Il s'approche : "Vous voulez aller à Argenteuil, c'est ça?" Vous êtes dans le mauvais train, il faut prendre celui d'en face. Et lui montre, plus determiné qu'à notre tour, la porte. L'homme au visage meurtri passe la porte, et disparait, happé par les trous violents et noirs du métro.
L'usager reprend sa place, on échange des regards, en on remonte le volume de concert.
Y a un truc qui m'intrigue particulièrement. Comment l'usager a t'il ouvert la porte? Je croyais que c'était impossible quand le train est en marche.
Et la voix électrique se met à annoncer :
"Genevilliers".
Et nous arrivons en gare de Genevilliers.
On se regarde mutuellement, goguenards, on partage une drôle d'expérience, comme si c'était quelque chose de surprenant et d'inhabituel pour tout le monde.
Coups de points, coup de pieds, mais au moins il a pu aussi frapper. Il leur a défoncé la gueule autant qu'il a pu, heureusement qu'il avait un beretta. Il va nous montrer, il le dit, d'ailleurs, il s'énerve, il va nous montrer comment on défonce quelqu'un, et sa main se dirige, lentement, mais très surement, vers sa poche de pantalon, chercher le beretta dont il fait mention, juste en face de moi.
C'est là qu'un des usagers se souvient de ce qu'il vient d'entendre. Il s'approche : "Vous voulez aller à Argenteuil, c'est ça?" Vous êtes dans le mauvais train, il faut prendre celui d'en face. Et lui montre, plus determiné qu'à notre tour, la porte. L'homme au visage meurtri passe la porte, et disparait, happé par les trous violents et noirs du métro.
L'usager reprend sa place, on échange des regards, en on remonte le volume de concert.
Y a un truc qui m'intrigue particulièrement. Comment l'usager a t'il ouvert la porte? Je croyais que c'était impossible quand le train est en marche.
Et la voix électrique se met à annoncer :
"Genevilliers".
Et nous arrivons en gare de Genevilliers.
***
Vraiment chouette, ce Noël. Là, je suis sur le retour.
Heureux de ces jours passés avec mon petit cousin et ma petite cousine, que j'ai trouvé absolument angéliques jusqu'à ce qu'on me laisse cinq, seulement cinq minutes seul avec eux dans la voiture, renforcant ce respect teinté d'incompréhension : "Parents, mais comment vous faites?". Deux jours après, je me la joue "même pas mal, j'en veux deux pareils". Pas mécontent de rentrer tout de même, je suis à la moitié de mon trajet, dirons-nous, entre la Gare du Nord et Montparnasse.
Pour Noël, j'ai eu un permis de séduire (le parfum) et des boules de relaxation (objet de tradition asiatique), je doute que le choix de ces cadeaux fut dicté par quoi que ce soit de personnel, mais tout de même, je pense : ah, ah, quelle ironie, que la vie peut-être drôle quand on y pense. Passé une soirée à Beauvais, toujours aussi sympa (mais pas la ville) , le temps d'un jungle speed américain et d'une sortie en boïte de nuit avec les Power Rangers (to be continued...). Dommage, on a pas eu le temps pour un restau, ce qui veut dire que je sais toujours pas quoi faire de la montagne de tickets restaurant qui expirent à la fin de l'année et dont j'espérais faire profiter les potes. Mon album avance bien, amusé comme un fou dans le train en jouant sur le volume de mes démos pour créer un effet de vibrato (et faisant croire à une mamie que je m'adonnais à des joies solitaires autres que musicales avec mon doigt qui s'agitait frénétiquement). Près du guichet de métro, on me demande de l'argent pour manger, je réponds sans réfléchir que je n'en ai pas, et puis après je me dis qu'on est Noël, tout de même, et que mes poches étaient pleines, que c'est salop, et puis je pense "oh et puis après", et puis après je n'y pense plus. Je me sens bien, avec la fin d'année, les bilans, je repense aux différents problèmes que j'ai rencontré cette année, je n'en ai résolu aucun en y réfléchissant, mais en arrêtant d'y réfléchir, la vie m'a offert de beaux cadeaux, et sans connotation, de belles ouvertures.
Je suis dans les couloirs du métro, Jeffrey Lewis me tient chaud en me rappelant que nous sommes tous des mots chantés par l'arbre chanteur, ce gamin est à genou par terre avec son carton de mendicité, le prix des clés USB à Surcouf baisse, non vraiment un excellent Noël. Il y a toujours autant de publicité pour des pièces de théatres dans les couloirs de métro, ça, je ne me l'expliquerai jamais, au prix du ticket, est-ce que
Je m'arrête. Il y a quelque chose qui vient de me transpercer l'esprit. Je crois que je sais ce que c'est. Mais il faut que mes yeux en soient certains. Je reviens sur mes pas. Le gamin, à qui je donnerai 24 ans, est toujours à genoux. Bien coiffé, bien habillé, droit comme une icone. Mes pensées sont confuses. Son carton indique : T. Restaurants. T. pour tickets. Je regarde mon carnet dépasser. Je me sens con, d'une connerie qui m'attriste profondément. Je peux pas lui donner mon carnet en entier, à cause des numéros de téléphone et des adresses que j'ai noté sur le talon, alors je déchire les tickets et lui tends, je n'ai pas coupé la musique, je suppose qu'il a dit merci, j'ai tourné les talons dans l'élan. Les larmes sont venues grossir mon coeur dix mètres après. Durant quelques secondes, je ne savais plus pourquoi je marchais. Même la description de l'anxiety attack dans mon oreille, "et si j'avais raté ma vie", "pourquoi tout ce que je tente a l'air d'être une mauvaise décision", me semblait superficielle, et puis ce n'était pas de l'anxiété, juste du desarroi.
La vie est parfois un gouffre. Mais même lorsque ce n'est pas le cas, vivre, c'est toujours être sur la faille. Tu peux te créer les protections que tu veux, te sentir aussi bien que possible, la faille te rattrape toujours à un moment où à un autre. La seule chose que je voulais communiquer avec cette histoire, c'est pas que c'est pas confortable d'être heureux, c'est pas que c'est égoïste d'être égoïste, c'est pas que ressentir de la compassion, c'est cool. C'est juste que ce sont des choses qui arrivent, qui arrivent comme ça. Et qu'en l'écrivant, on peut peut-être reculer la prochaine fois où on l'oubliera.
Heureux de ces jours passés avec mon petit cousin et ma petite cousine, que j'ai trouvé absolument angéliques jusqu'à ce qu'on me laisse cinq, seulement cinq minutes seul avec eux dans la voiture, renforcant ce respect teinté d'incompréhension : "Parents, mais comment vous faites?". Deux jours après, je me la joue "même pas mal, j'en veux deux pareils". Pas mécontent de rentrer tout de même, je suis à la moitié de mon trajet, dirons-nous, entre la Gare du Nord et Montparnasse.
Pour Noël, j'ai eu un permis de séduire (le parfum) et des boules de relaxation (objet de tradition asiatique), je doute que le choix de ces cadeaux fut dicté par quoi que ce soit de personnel, mais tout de même, je pense : ah, ah, quelle ironie, que la vie peut-être drôle quand on y pense. Passé une soirée à Beauvais, toujours aussi sympa (mais pas la ville) , le temps d'un jungle speed américain et d'une sortie en boïte de nuit avec les Power Rangers (to be continued...). Dommage, on a pas eu le temps pour un restau, ce qui veut dire que je sais toujours pas quoi faire de la montagne de tickets restaurant qui expirent à la fin de l'année et dont j'espérais faire profiter les potes. Mon album avance bien, amusé comme un fou dans le train en jouant sur le volume de mes démos pour créer un effet de vibrato (et faisant croire à une mamie que je m'adonnais à des joies solitaires autres que musicales avec mon doigt qui s'agitait frénétiquement). Près du guichet de métro, on me demande de l'argent pour manger, je réponds sans réfléchir que je n'en ai pas, et puis après je me dis qu'on est Noël, tout de même, et que mes poches étaient pleines, que c'est salop, et puis je pense "oh et puis après", et puis après je n'y pense plus. Je me sens bien, avec la fin d'année, les bilans, je repense aux différents problèmes que j'ai rencontré cette année, je n'en ai résolu aucun en y réfléchissant, mais en arrêtant d'y réfléchir, la vie m'a offert de beaux cadeaux, et sans connotation, de belles ouvertures.
Je suis dans les couloirs du métro, Jeffrey Lewis me tient chaud en me rappelant que nous sommes tous des mots chantés par l'arbre chanteur, ce gamin est à genou par terre avec son carton de mendicité, le prix des clés USB à Surcouf baisse, non vraiment un excellent Noël. Il y a toujours autant de publicité pour des pièces de théatres dans les couloirs de métro, ça, je ne me l'expliquerai jamais, au prix du ticket, est-ce que
Je m'arrête. Il y a quelque chose qui vient de me transpercer l'esprit. Je crois que je sais ce que c'est. Mais il faut que mes yeux en soient certains. Je reviens sur mes pas. Le gamin, à qui je donnerai 24 ans, est toujours à genoux. Bien coiffé, bien habillé, droit comme une icone. Mes pensées sont confuses. Son carton indique : T. Restaurants. T. pour tickets. Je regarde mon carnet dépasser. Je me sens con, d'une connerie qui m'attriste profondément. Je peux pas lui donner mon carnet en entier, à cause des numéros de téléphone et des adresses que j'ai noté sur le talon, alors je déchire les tickets et lui tends, je n'ai pas coupé la musique, je suppose qu'il a dit merci, j'ai tourné les talons dans l'élan. Les larmes sont venues grossir mon coeur dix mètres après. Durant quelques secondes, je ne savais plus pourquoi je marchais. Même la description de l'anxiety attack dans mon oreille, "et si j'avais raté ma vie", "pourquoi tout ce que je tente a l'air d'être une mauvaise décision", me semblait superficielle, et puis ce n'était pas de l'anxiété, juste du desarroi.
La vie est parfois un gouffre. Mais même lorsque ce n'est pas le cas, vivre, c'est toujours être sur la faille. Tu peux te créer les protections que tu veux, te sentir aussi bien que possible, la faille te rattrape toujours à un moment où à un autre. La seule chose que je voulais communiquer avec cette histoire, c'est pas que c'est pas confortable d'être heureux, c'est pas que c'est égoïste d'être égoïste, c'est pas que ressentir de la compassion, c'est cool. C'est juste que ce sont des choses qui arrivent, qui arrivent comme ça. Et qu'en l'écrivant, on peut peut-être reculer la prochaine fois où on l'oubliera.
Entré par Bibasse, le Mercredi 28 Décembre 2005, 05:28 dans la rubrique "Vie-o-rama".
Entrées :
ninoutita,
dans le même fétu de temps, a écrit :
Jolis textes. Un peu gore le premier hein va falloir mettre des avertissements pour les moins de 10 ans quand ça frôle le film sanguinolant ou le film un peu porno ( pour le deuxième texte mouwhaha )
Bibasse,
dans le même fétu de temps, a écrit :
Salut!
J'ai hésité pour les avertissements, mais le RER était tout public, lui. Je trouve le premier particulièrement gore, surtout la chute, ça m'évoque une carte orange mécanique.
En ce qui concerne le p*rn*, je ne vois pas à quoi tu fais allusion, ce n'étaient pas mes boules de relaxation que je tripotais!
Babye!
J'ai hésité pour les avertissements, mais le RER était tout public, lui. Je trouve le premier particulièrement gore, surtout la chute, ça m'évoque une carte orange mécanique.
En ce qui concerne le p*rn*, je ne vois pas à quoi tu fais allusion, ce n'étaient pas mes boules de relaxation que je tripotais!
Babye!
ninoutita,
dans le même fétu de temps, a écrit :
Bibasse,
dans le même fétu de temps, a écrit :
Vendredi,
dans le même fétu de temps, a écrit :
Tu n'as pas l'esprit mal placé, Ninoutita ^^
La preuve :
Bibasse ! t'as pas honte ?!!! ^ ^
en jouant sur le volume de mes démos pour créer un effet de vibrato (et faisant croire à une mamie que je m'adonnais à des joies solitaires autres que musicales avec mon doigt qui s'agitait frénétiquement).C'est la mamie ! ;))
Bibasse ! t'as pas honte ?!!! ^ ^
Bibasse,
dans le même fétu de temps, a écrit :
Re: Tu n'as pas l'esprit mal placé, Ninoutita ^^
Je faisais rien de mal, et il fallait bien que je coince mon lecteur cd entre mes jambes pour avoir prise!
C'était très excitant, enfin, je me comprends.
C'était très excitant, enfin, je me comprends.
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Thème inspiré par Bryan Bell.
Thème inspiré par Bryan Bell.